Histoire, culture et libertéHistoire, culture et liberté
Antoine Lejay
Né le 26 janvier 1924, décédé le 20 septembre 2005

Même avec sa vieille clope mal roulée au coin des lèvres, même fagoté comme l’as de pique, avec parfois une pince à vélo oubliée au bas d’une jambe de pantalon, Antoine était admirable, rayonnant de tout son être. C’était comme ça, une présence formidable, où qu’il soit. Tout à la fois, ami attentif, tribun, débatteur redoutable, gouailleur, bon vivant, travailleur infatigable, amateur de belote nocturne, montagnard s’il en fut (bien qu’il eut toujours un problème avec le maniement des cordes !). Antoine était un homme simple avec une personnalité exceptionnelle. Cette personnalité, il la doit bien sûr à sa famille, et d’abord à sa mère qui lui a donné plein d’amour. Mais il l’a aussi forgée, affermie et assumée au fur et à mesure de ses engagements militants et de ses rencontres avec les autres, à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), dans le syndicalisme lorsqu’il était ajusteur, avec l’Abbé Pierre pour les mal-logés, avec les associations relais et leur fédération pour l’accueil et le logement des jeunes, au MLO (mouvement de Libération Ouvrière), puis à Culture et Liberté. L’action qu’il a menée pour l’amélioration du système de santé et le respect du malade, ou le réseau de maisons d’accueil qu’il a fondé, avec d’autres militants, pour permettre à des familles pauvres ou modestes de partir en vacances sont aussi l’expression de ce qu’il était, de ses indignations viscérales et de sa conviction qu’il y a toujours des réponses possibles.

Antoine était un homme tourné vers l’action, il voulait que la société change, démocratiquement, pour le peuple, mais surtout avec lui. Il disait avec bon sens qu’il ne fallait pas abandonner les décisions aux « élites » qui nous gouvernent, mais rendre du pouvoir aux gens. Il n’a d’ailleurs jamais cessé de le dire à ceux qu’il rencontrait, notamment au sein d’Echanges et Projets, le club de réflexion animé par Jacques Delors. Plusieurs de ceux qu’il a rencontrés, doivent à Antoine d’avoir pris des décisions ou posé des actes politiquement et socialement utiles. C’est en ce sens qu’il a été un militant convaincu de l’éducation populaire. Il n’a jamais cherché à enseigner les individus, quels qui soient, ou à leur dicter une façon de penser. Mais, au contraire, il a toujours cherché à susciter chez eux la prise de conscience qu’une autre façon de faire et de vivre ensemble, plus collective et respectueuse des personnes, était possible. Tous formés, tous formateurs disait-il. C’est vrai.

Antoine a indiscutablement puisé dans une foi profonde en Dieu et en l’Humanité son étonnante capacité à agir et à ne jamais renoncer, même dans les situations les plus difficiles. Cette foi fut pour lui un formidable moteur. Tous ceux qui l’ont connu de près, à Culture et Liberté ou ailleurs, savent qu’Antoine ne se décourageait quasiment jamais, pas plus qu’il ne renvoyait aux insuffisances des autres la responsabilité de l’échec d’une initiative ou d’une action. Quand il nous arrivait de nous laisser aller à cette facilité, il avait toujours cette autre formule qui nous mettait face à nos responsabilités : « Puisque l’on reconnaît que la société est aliénante, il ne faut pas s’étonner de trouver des gens aliénés ; c’est à nous d’interroger nos propres façons de faire ».

Jean Marquet, septembre 2005


Décor
Nous écrire
envoyer l'article par mail title=
Décor