Histoire, culture et libertéHistoire, culture et liberté
Gérard Manderfeld
Gérard Manderfeld
Né le 10 août 1932 à Boulange dans le Pays Haut Mosellan.

Peux-tu nous parler de ton parcours avec Culture et liberté ?

C’est une longue histoire. J’ai été militant à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), puis plus tard au CCO (Centre de Culture Ouvrière). Culture et Liberté s’est mis en place historiquement, après et à partir des Foyers de Jeunes de l’AMOL (Association Mosellane d’Organisations des Loisirs), qu’on avait baptisée la « Fédération des Foyers de Jeunes » (FFJ). J’ai été secrétaire du foyer de Boulange, dans le nord ouest Mosellan. La F.F.J. avait son siège à l’évêché à Metz.

J’ai travaillé à la mine de fer de 1949 à 1969, à Boulange. J’étais syndiqué à la CGT, membre du Comité d’Entreprise et secrétaire de section. A ce titre, j’étais administrateur à la Sécurité Sociale Minière. J’ai rencontré un gars exceptionnel Albert Balducci, secrétaire de la Fédération des Mineurs de Fer CGT. Il a écrit : « La crise dans les mines de fer », Le Sous-sol lorrain, décembre 1953, Archives CGT Piennes.

A la création de la FFJ, j’ai été délégué de Secteur et membre bénévole de 1953 à 1966. En 1967 et 1968, délégué de secteur du Pays Haut et membre du Comité Fédéral ; Secrétaire fédéral de 1968 à 1972, puis secrétaire général salarié, de 1972 à 1982. J’ai assuré la présidence de la Fédération des Foyers et Centre Culturels de Moselle – Culture et Liberté en 1984. J’ai également été au conseil d’administration et au bureau national du CCO de 1972 à 1974. Et de 1978 à 1981 vice - président du mouvement Culture et Liberté. J’ai été directeur de publication d’ Inforest de 1973 à 1982, la revue de la Fédération Culture et Liberté de Moselle. J’ai quitté Culture et Liberté en 1982, pour prendre la direction du Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) de Thionville, structure d’accueil pour femmes battues.

Un ou deux évènements qui t’ont marqué ?

Il faut refaire un peu l’histoire pour comprendre. Chez nous, en Moselle, l’histoire de Culture et Liberté a démarré parce que des curés ont pris en charge les loisirs des jeunes, après guerre. Chez nous, à Boulange, le curé a tout de suite baptisé « Foyer des jeunes », ce qui aurait pu être [ une activité de] patronage. Il voulait que [les jeunes] prennent tout en charge. On a retapé les locaux, c’est bien parce qu’il y avait respect mutuel du travail de chacun dans le Foyer. On ne retrouve plus ça aujourd’hui. Les gens étaient engagés, on discutait beaucoup, syndicat, engagement, ce n’était pas que les activités.

Ce qui m’a surtout marqué, c’est la mobilisation des FFJ en 1968. Au Secteur Pays Haut, en Mai 68, les jeunes demandaient qu’on leur explique. C’était venu des étudiants, tout s’est mis en arrêt, d’un coup. « Qu’est-ce qu’ils veulent, ces étudiants qui ne bossent pas… » Les syndicats ont soutenu les étudiants, et la classe ouvrière qui s’est révoltée. A partir de là, des dialogues se sont ouverts entre les jeunes des foyers, et après dans les associations. Qu’est-ce qu’on fait dans nos associations pour informer les gens, expliquer pourquoi la révolte grondait et avait éclaté presque brutalement ? Il fallait expliquer les problèmes qui ont fait démarrer les événements de mai 68. Même à la Fédération Culture et Liberté Moselle il a fallu que je me fâche tout rouge avec un membre du Conseil d’Administration parce qu’il était contre la prise de position de la Fédé, pour le mouvement de mai 68.

Un autre moment fort, ça a été l’adhésion au CCO. Sachant d’où on venait, l’origine de la FFJ, ça n’a pas été aussi pas simple ! « V’la les russes qui arrivent ! ». Pour moi, ça a été aussi un événement important que d’obtenir l’adhésion au CCO, on devait avoir la majorité, Michel Beaucamp a été un des acteurs de cette adhésion avec d’autres.

Un homme aussi m’a marqué, c’est Pierre Belleville. Il avait 15 ans d’avance cet homme. Il s’engageait et après, il passait les commandes : « Allez-y, c’est à vous ! ». Un peu comme s’il disait : « J’ai semé, à vous de travailler pour récolter ». Il y a eu des expériences qui ont mal tourné. Par exemple l’ARGO, le principe d’une banque associative, où les associations pouvaient placer de l’argent, mutualiser leur trésorerie. Les membres de l’Argo étaient les associations adhérentes, censées gérer ce fonds de placement. Il y a eu des années avec des rapports de 17% d’intérêts pour les associations ! Bien sûr, quand l’Argo a rencontré de grosses difficultés, beaucoup se sont retournés contre les fondateurs. Mais c’était d’avant-garde.

J’ai encadré un voyage au Mozambique pour Culture et Liberté en 1980. En discutant avec notre correspondant là-bas, nous avons demandé ce que nous pourrions faire pour aider. « Faites en sorte d’avoir un président socialiste l’année prochaine ! » On a eu ce président, ça n’a pas réglé le problème du Mozambique pour autant.

Ce que Culture et Liberté t’a apporté ?

Plein de choses, j’ai quand même fait 4 ans à l’école allemande sous l’Occupation, 4 années difficiles ! Boulange est à 50 kilomètres de Metz, on sortait de la guerre, sans trop de moyens. Le Foyer a été l’occasion de rencontrer des copains. C’est important. La JOC, le CCO, ont été pour moi l’occasion de grandes ouvertures à la vie, l’occasion de formation permanente. J’ai fait plein de stages : animateur de collectivité, urbanisme et vie quotidienne, économie, animation bénévole, actualités, j‘ai même été directeur de Film « Fensch 69 ».

L’engagement syndical est important avec sa formation dans une ligne claire… liée à son projet de société, mais les formations faites avec le CCO et Culture et Liberté comportaient une autre approche. Des militants venus de tous les syndicats pouvaient s’y retrouver et confronter leurs idées, leurs approches respectives. Un mélange des syndicats, ça permettait d’avoir une vision différente des évènements.

Propos recueillis par Didier Hinnerblesse en janvier 2009


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