Histoire, culture et libertéHistoire, culture et liberté
Christian Lefeuvre
Christian Lefeuvre
Né le 11 octobre 1951 à Paris (10è)

Comment as-tu connu Culture et Liberté ?

J’ai connu Culture et Liberté en 1974 par le groupe « Entreprises » de Culture et Liberté Ile-de-France. J’étais alors technicien à Thomson CSF à Levallois-Perret et militant syndical CFDT. J’ai été invité à participer à ce groupe « Entreprises » sur les questions des formations syndicales et de la culture dans les entreprises. Nous réfléchissions notamment sur des propositions de vacances et de spectacles, sur la mise en place, de bibliothèques, de ludothèques,…

Puis, j’ai suivi la « formation des militants » à Culture et Liberté en 1976/1977. Jacques Begassat y intervenait. J’y ai notamment appris l’histoire du mouvement ouvrier, l’économie, … des choses qui m’étaient étrangères, étant donné mes origines familiales et mon boulot de technicien à l’usine. J’ai intégré avec 3 ou 4 autres collègues un groupe Culture et Liberté interne à Thomson CSF qui a travaillé sur la culture, la santé et l’école.

Un moment qui t’a marqué ?

En 1974, élu au CE, j’ai été désigné responsable de la commission Formation du CE. Or, la formation professionnelle, c’était tout nouveau à ce moment là ! C’était une des premières fois qu’une commission Formation était créée en France et personne ne savait très bien comment cela pouvait fonctionner ! Comme on me lançait à la figure des « Vous n’y connaissez rien ! », j’ai proposé qu’on me paye une formation pour animer la commission Formation. Avec les collègues, on a choisi l’organisme de formation : Culture et Liberté ! Un des intervenants était Jean-Michel Belorgey. En 1971, il avait écrit la loi portant l’organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente. C’était un haut-fonctionnaire de l’Etat et un proche de Jacques Delors. Après cela, chez Thomson CSF, on m’appelait « Monsieur Lefeuvre » ! (Rires) C’est ainsi que j’ai participé à la formation proposée par Culture et Liberté : « Comprendre la loi de 1971 pour l’appliquer ». L’idée de Culture et Liberté était que cette nouvelle loi bénéficie aux ouvriers, ouvriers spécialisés, et aux employés ; pas seulement aux cadres.

En matière de culture, on ne voulait pas que le CE de Thomson CSF soit une simple billetterie. On a donc fait venir les spectacles à l’intérieur de l’entreprise (le groupe de réfugiés chilien Quilapayun, la chanteuse de blues Colette Magny, Anne Sylvestre…). On proposait aussi des espaces d’expositions. Des salariés venaient exposer leurs propres œuvres ou des objets qu’ils avaient rapportés de voyages… Avec les copains du groupe Culture et Liberté, on a aussi créé une association qui a servi de base à la création de l’association des ludothèques de France. Nous avons par exemple mis en place la première formation pour ludothécaires ! Avec le bulletin de la ludothèque, on écrivait des articles sur l’actualité. On était politisés, y compris à travers les actions culturelles. En conclusion, on peut dire que notre groupe Culture et Liberté, interne à Thomson CSF, a introduit la formation permanente et la culture dans l’entreprise. Pour moi, ce sont deux piliers tout à fait complémentaires de mon action syndicale.

Plus tard, un autre moment m’a marqué à Culture et Liberté. C’était en 1994 je crois. J’étais au Conseil d’Administration National depuis deux ans. A l’ordre du jour de l’une des réunions du CA : ferme-t-on le National (difficultés financières) ? Cette réunion m’a marqué car elle a montré, collectivement, le refus de l’inéluctable, un sursaut : il n’était pas possible d’arrêter une histoire !

Que représente pour toi Culture et Liberté ?

C’est l’engagement de ma vie de militant. Même si j’ai milité ailleurs, c’est là que je suis resté. Culture et Liberté, c’est l’école de la vie, par rapport à « l’école de ce qu’on voudrait que tu sois », un soldat obéissant intégré au système, par rapport à l’école de l’individualisme, de la compétition. Culture et Liberté, c’est l’école du projet collectif, de la coopération, du faire ensemble. C’est tout ce qui peut concourir à aider à la sensibilisation, à la prise de conscience, au développement de l’esprit critique, à l’action et à la transformation sociale. J’aime beaucoup l’idée de « Je ne me contente pas de réfléchir et de faire. A Culture et Liberté, on regarde ce qu’on a produit et pourquoi on continuera à le faire ». A la fin des formations par exemple, on échange sur ce qu’on a fait, ressenti, sur ce que la formation a apporté. On se repose systématiquement le sens de ce que l’on fait. Pour moi, Culture et Liberté, c’est aussi l’écriture du livre sur l’histoire du mouvement, avec Françoise Tétard (1ère édition en 1998, une édition augmentée paraîtra prochainement). On a essayé de décortiquer tout le parcours de vies personnelles et collectives de Culture et Liberté. C’est intéressant de voir ce que quelqu’un d’extérieur au mouvement (Françoise Tétard), qui plus est historienne, peut percevoir…Ce bouquin a un intérêt autre que l’histoire. Il va permettre de comprendre les clés de ce mouvement particulier. Il est dit que l’on vient de l’éducation populaire, je pense que l’on vient plutôt de l’éducation ouvrière !

Propos recueillis par Alexandra Mahéas en décembre 2008


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