Histoire, culture et libertéHistoire, culture et liberté
Françoise Vigreux Mai 2010
Françoise Vigreux

- Vous nous contactez par mail et vous écrivez : « …j’ai 70 ans, je suis restée militante et sûre que mon passage par la JOC, le MLO et l’APF ont été ce qui m’a construit et qui me permet de rester au service des autres et de la solidarité. » Pouvez-vous nous en dire plus ? Je suis en fait originaire de Bretagne, puis après la guerre ma famille a déménagé dans le Nord. Mon père était mineur et nous habitions dans les corons. J’ai adhéré à la JOC où je retrouvais des copines ouvrières (La Lainière de Roubaix…). Puis, je me suis mariée et nous sommes venus nous installer à Montvilliers, en Normandie, près du Havre. J’ai effectué quelques boulots et j’ai rencontré Michel Vallery des APF et c’est dans leurs locaux à Montivilliers que nous tenions les permanences du MLO. Trois types d’actions étaient prioritaires à l’époque : > des actions de formation en direction des femmes, car il fallait leur permettre de se libérer des tâches ménagères et ainsi se former > des actions « logement » pour le maintien des loyers et le calcul des surfaces corrigées (dans le cadre de la fameuse loi 1948) > des actions de formation de formateurs

A ce sujet je me souviens que vers 1965, après avoir été « sélectionnée » pour animer les stages des moins de 25 ans, nous avons suivi une formation au CREPS de Dijon : »Les Toutlemonde face à la société moderne », animer des stages sur le droit au logement, l’éducation, la santé, l’Europe…Ce furent des stages très enrichissants et j’ai découvert ma vocation de formatrice assez rapidement. Mais le plus passionnant était les actions de formation et d’information dans les quartiers, à la rencontre des gens. Des soirées sur les enjeux des élections, municipales ou nationales, des sujets de société, des actions de solidarité dans les quartiers, comme cette anecdote plus ancienne, pour illustrer l’objectif d’allègement des tâches ménagères pour les femmes, je cite M. Vallery : …la section MPF avait acheté de nombreuses machines à laver, quelques cireuses et quelques machines à tricoter et pour quelques francs de location, chaque usager pouvait en profiter, chacun allant chercher l’appareil chez le précédent utilisateur et le suivant venait le lui reprendre le lendemain. Armand Vigreux, ancien jociste, qui a beaucoup marqué la ville par son action sociale, avait confectionné des petits chariots pour le transport des machines à laver, avec une série spéciale HLM possédant trois jeux de roues pour monter les escaliers. »

- Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre vie de militante ? Je dirais que c’est une rencontre, celle d’un militant exemplaire, Jean Durix qui a créé le MLO avec quelques autres. J’ai poursuivi ma formation par le DEFA (Diplôme d’Etat à la Formation d’Animateurs) que j’ai suivie à l’INFAC à Nogent sur Marne. De là, datent ma connaissance de Culture et Liberté, du CCO et surtout d’autres personnes telles que Pierre Macquart, Antoine Lejay. J’avais rédigé un mémoire, dont le titre était : « Femme au foyer, une profession ». Plus tard, j’ai pris la direction d’un centre social à Montivilliers et nous avons mis en place des formations pour « bénéficiaires du RMI »" qui débouchaient réellement sur des emplois, et nous avions aussi créé une association intermédiaire nommée « Tremplin pour l’emploi ». En 1968, un groupe de femmes de Montivilliers avait fait pression sur les commerçants pour qu’ils affichent chaque jour un prix sur un article (affichage en mairie, sinon boycott) ou encore ce centre aéré organisé à l’initiative d’un groupe de militants du quartier d’Aplemont au Havre et qui accueillera rapidement plus de 70 enfants…

- Et aujourd’hui vous continuez votre action ? Oui mais sous une autre forme, ce qui continue en fait, c’est l’engagement militant ; par exemple, je suis présidente de l’Association des copropriétaires de la résidence où nous vivons et je suis persuadée que je n’aurais pas pu assumer cette fonction, si je n’avais pas eu cette expérience de militante associative qui me permet de comprendre les questions complexes que l’on retrouve dans la gestion d’une copropriété où il faut défendre nos intérêts, mais aussi de gérer les relations interindividuelles et créer parfois de la solidarité. Mais j’ai une certaine nostalgie de toutes ces actions de formation qui débouchaient sur des engagements politiques au service réel des populations et pour toute cette vie militante forte qui m’a construite, ainsi que je vous le disais …

Propos recueillis par Joël Jamet en mai 2010


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