Histoire, culture et libertéHistoire, culture et liberté
Simone Bouchereau
Née le 17 mars 1929 à Roubaix (59 – France) , décédée en juillet 2002 à Lens (62- France)

J’ai connu Simone Bouchereau en 1982-1983, lors de réunions, chez elle, à Méricourt (Pas de Calais). Ces réunions dans une familiale, dans la tradition du MLO (Mouvement de Libération Ouvrière) se passait dans la salle. Son mari, silicosé, suivait la réunion, sans rien dire, depuis son fauteuil.

Culture et Liberté termine l’action « Vivre et survivre en pays minier ». Dans les mines, c’est la récession. Que vont devenir les cités minières ? Et surtout, quel sort attend les gens qui y habitent ? Pour que la réponse à ces questions puisse se faire avec les gens concernés, il faut les informer, les mobiliser, les réunir, leur demander leur avis, interpeller les pouvoirs publics, rendre compte de ce qui est demandé par la population. Ainsi, pendant deux années scolaires, quantité de rencontres, d’écoutes, de productions collectives, d’actions revendicatives…

Très majoritairement, ce sont des femmes qui se sont mobilisées. Au cours de ces rencontres, elles ont parlé d’elles, de leur vie. Elles ont découvert les conditions particulières qu’elles vivaient en tant que femmes des cités minières. C’est pour rendre compte de cette expression, pour rendre compte de leurs conditions de vie, leurs attentes, leurs aspirations, leurs revendications, qu’est organisée l’action « Femmes dans la cité ». Cette nouvelle action, suite directe, on pourrait dire suite logique de la précédente, s’étalera sur plus d’une année scolaire. La méthode est toujours la même : quantité de rencontres, d’écoutes, des productions collectives, de l’action revendicative…

C’est dans le cadre de cette action que j’ai fait connaissance de Simone et de Culture et Liberté Pas de Calais. Ce que je retiendrais en priorité d’elle, c’est la femme cultivée, qui avait quitté l’école tôt. Simone savait articuler le « concret » et les « idées », l’action et la réflexion.

Concret : la construction d’un nouveau mouvement dans la turbulence des années 1970 à 1972, lorsque les gestionnaires de services aux familles se questionnaient sur l’opportunité d’un mouvement d’éducation populaire.

Idée : de vouloir faire de la prise de conscience de sa condition de vie de femme un tremplin d’émancipation, d’acquisition d’un peu plus de choix de vie, de liberté

Concret : l’obtention d’une salle d’eau dans chaque maison des mines.

Concret : l’obtention du courrier et des photocopies gratuites pour la recherche d’emploi.

Et en même temps :

Idée : la recherche philosophique dans « Humanisme et action ouvrière » (Texte écrit pour le MLO par Jeanne Bajeux) pour, en permanence, donner du sens à son action

Idée : dans la recherche historique pour comprendre comment se construit l’histoire des hommes, et par là, se donner les moyens de construire un avenir commun.

Idée : dans l’étude de la psychologie, de la symbolique, pour comprendre la place du « désir » dans la construction de l’humanité.

C’est par cette dernière idée que je termine ce témoignage, car parmi les actions que j’ai conduites avec Simone, celle qui a été, pour moi, la plus originale, a eu lieu en 1986. L’ACO (Action Catholique Ouvrière) nous avait demandé de conduire une formation « accueil de la parole de l’autre ». Nous l’avons co-animé sur quatre samedis. C’était une première. Je connaissais déjà Simone femme d’action, Simone philosophe humaniste, Simone riche de connaissances historiques qu’elle savait utiliser pour penser l’action. Et j’ai découvert, à cette occasion, une Simone capable d’accompagner des individus dans la découverte et la construction de l’être de désir auquel ils aspirent.

Formée par le MLO, elle a développé une « culture » qui permet de comprendre le monde pour pouvoir agir avec d’autres sur lui et le transformer, cette culture qui donne toujours plus de « liberté » individuelle et collective.

Témoignage de Paul MASSON le 20 juin 2003


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